Sultana Maria Valamoti
La tarte, recette générale que l’on retrouve aujourd’hui dans de nombreuses variantes dans toute la Grèce, existait déjà sous différentes formes dans la Grèce antique. L’idée d’une pâte façonnée en forme ronde et déclinée en plusieurs variantes selon ses ingrédients correspond au terme générique de plakous. Ce mot englobe de nombreuses catégories de recettes distinctes et renvoie à une préparation plate, qui pouvait être obtenue en cuisant la pâte sur une plaque. Les plakountes étaient largement utilisés aussi bien lors des fêtes religieuses, en tant qu’offrandes, que dans les repas quotidiens. L’utilisation des plakountes dans la vie quotidienne est attestée par les nombreuses références qui y sont faites dans les textes de la période classique et hellénistique, en particulier dans la comédie antique. Leur forme circulaire est mentionnée dans Les Acharniens d’Aristophane et sont souvent accompagnées de miel, comme le mentionne par exemple Archestrate, qui considère Athènes comme leur lieu d’origine. Mais Samos est également mentionnée comme lieu de fabrication de ces douceurs selon le poète comique antique Sophatos. Il semble même que les plakountes de Samos étaient réputés selon Plutarque.
Une recette appartenant à la catégorie plus large des plakountes, mais désignée sous le nom plus spécifique de nastos, semble très proche de la tarte sfakiani ou des tartes au miel des îles de la mer Égée. Cette pâtisserie fait référence à une pâte fourrée de beaucoup de fromage, comme le mentionne Phéréclate, et on retrouve le même terme dans Les Oiseaux d’Aristophane, où cette pâtisserie contient du miel et est destinée à être offerte aux dieux. La description d’une telle tarte au miel, grande et blanche, qui émergeait du panier des offrandes sacrificielles en dégageant un parfum alléchant, chaude et nappée de miel, est rapportée par Athénée avec tant de vivacité que nous aimerions la goûter aussi.
Il semble que ces tartes étaient de grande et petite taille. On suppose que les grandes devaient être coupées en petits morceaux, comme c’est le cas aujourd’hui avec les grandes tartes, d’où le mot nastokopos que l’on trouve chez le poète comique antique Platon.
Le mot « plakous » est passé en latin sous la forme « placenda » et on le retrouve aujourd’hui aussi bien dans la cuisine grecque que dans celle de la Roumanie, de la Hongrie et de l’Europe centrale. Sous différentes variantes, les plakountes actuels, dont les noms rappellent le mot ancien, se retrouvent dans les tartes à la pâte feuilletée de la cuisine de Lesbos et des Roms de Grèce, dans des versions sucrées et salées. Dans la pâtisserie autrichienne, le mot Palatschinken, qui trouve ses racines dans l’ancien mot grec plakounta, désigne des crêpes fourrées de divers ingrédients, principalement sucrés, tels que le miel et la confiture.
Comme dans la Grèce antique, nous voyons aujourd’hui que l’idée de base, qui consiste à mélanger des céréales moulues, principalement du blé, avec de l’eau sous forme de pâte, puis à les combiner avec d’autres ingrédients, sucrés et salés, créaient une richesse gastronomique impressionnante.

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Trachanopita (à gauche) et tarte aux épinards et fromage avec de la pâte fyllo préparée par Sofia Papageorgiou (†) à Kosmati, Grevena, septembre 2017. Photo : S.M. Valamoti,