Soultana Maria Valamoti

Les premières communautés agricoles de Grèce cultivaient une grande variété de légumineuses, telles que la lentille, le pois, le pois d’herbe et l’ers, et, au fil du temps, à l’âge du bronze (IVe–IIe millénaire av. J.-C.), elles intégrèrent également d’autres espèces à leur alimentation, comme la fève, diverses variétés de pois d’herbe et, plus rarement, le pois chiche. Avec le temps, durant l’époque historique (Ier millénaire av. J.-C.), le pois chiche devint particulièrement apprécié, aux côtés de la lentille, cultivée et consommée en Grèce depuis le VIIe millénaire av. J.-C., tandis que de nouvelles légumineuses firent leur apparition, comme le lupin et un haricot connu sous le nom de dolichos ou phaselos. Nous disposons d’informations sur le lupin aussi bien dans les textes anciens que dans les vestiges archéobotaniques. En revanche, le dolichos n’est connu pour l’instant qu’à travers les sources écrites, ce qui rend difficile l’identification des routes ayant permis l’introduction de cette légumineuse antique dans la région égéenne depuis ses zones de domestication supposées, à savoir l’Afrique et l’Asie.

Image 1. Haricots cornille secs, achetés dans un supermarché à Kalamata (importation). Photo : S.M. Valamoti, 2025.

L’identité du dolichos est difficile à établir à partir des rares textes de l’époque classique où ce terme apparaît. Les philologues considèrent généralement le dolichos comme synonyme du phaselos. On retrouve des éléments descriptifs de la plante correspondant à ce nom dans l’œuvre de Théophraste (Recherches sur les plantes, IVe–IIIe siècle av. J.-C.), où il précise que la plante fructifie lorsque l’on place de longues tiges de soutien. Il indique également que le dolichos diffère des autres légumineuses connues de son époque, telles que le pois chiche, l’ers, la lentille, le pois d’herbe, le pois, le pois d’herbe cultivé et la fève. On en déduit qu’il s’agit d’une plante grimpante nécessitant un support lorsqu’elle est cultivée pour la production de graines. Le dolichos est mentionné pour la première fois dans les textes hippocratiques (Ve–IVe siècle av. J.-C.), où il est cité aux côtés du pois d’herbe (ochros), ces deux espèces étant décrites comme plus nutritives et plus digestes que les fèves et les pois. Parmi ses qualités alimentaires positives, Théophraste note également qu’il provoque moins de flatulences que les autres légumineuses chez ceux qui en consomment. Enfin, le poète comique Anaxandridès (IVe siècle av. J.-C.) inclut le dolichos dans une liste de légumineuses, aux côtés de la fève, du pois d’herbe et de l’ochros. À l’époque de Galien, le terme dolichos semble s’identifier au phaselos, une légumineuse grimpante nécessitant un support pour sa culture. Les références au dolichos dans les textes anciens sont très peu nombreuses et suggèrent que les graines de cette plante étaient cuisinées de la même manière que les autres légumineuses, pour la plupart déjà connues depuis l’époque néolithique.

Aujourd’hui, les haricots cornille sont disponibles sur le marché sous forme de graines sèches, bien qu’ils soient le plus souvent importés d’autres régions du monde. Ils restent néanmoins un ingrédient très apprécié dans la cuisine traditionnelle grecque, préparé de multiples façons. Ainsi, dans la région de Santa, dans le Pont, on trouve la recette du mavromatosirv, un plat à base de haricots cornille et de blé concassé (korkoto). Dans le Péloponnèse, les Cyclades et certaines îles ioniennes, on les cuisine avec des blettes ou d’autres herbes sauvages (myronolachana). À Limnos, on trouve une recette originale de skordaliá (aïoli) aux haricots cornille, qui illustre bien l’ingéniosité de la cuisine traditionnelle grecque, capable d’associer les ingrédients locaux de multiples façons savoureuses et inventives.